Arloc
Légère et grave, émouvante et drôle
Distribution
Avec (par ordre d’entrée en scène) :
- Herschlick : Jacques Flamand
- Arloc : Miguel Ferreira
- Sigou/Machmil : Ley puis Julien Peschard
- Léon : Philippe Prévost
- Jeanne : Marie-Christine Hocdé
- M. Delataille/Julien : Patrick Scarabello
- Marguerite : Karine Féron
- Mme Merlon : Rose Baro
- M. l’Agent : Christophe Ecobichon
- Alfred : Michel Ernault (personnage devenu Frida à la reprise)
- Frida : Marie Le Cabec
- Jacques : Paul Lévy-Soudé ou Arnold Lévy-Soudé puis Pavlé Savic
- Mme Lacolombe/Le Temps : Annie Billon
- Didier Tiresang : Yannick Martelet puis Hubert Pinel
- Gisèle Tiresang : Corinne Goutard
- Juliette : Johanna Lévy-Soudé
- Jos : Clément Giren
César/Roger : Valentin Langlois - La vendeuse de chocos glacés, Simone, l’infirmière, la préposée : Christine Gayan ou Hermine Faure-Baynaud
- Un cuisinier, un passant, voix de René : Quentin Olivier
Mise en scène : Maryvonne Olivier assistée de Lorène Poirot
Création lumière : Guillaume Granval
Régie lumière : Sylvie Laurent
Son : Création sonore et régie : Pierre Billon
Décors : Alain Olivier, Jacques Flamand, Christophe Ecobichon
Régie plateau : Corinne Goutard
Marionnettes, Conception et réalisation : Claude-Hélène Cordonny
Sculpture : Babette Toutée
Musique, Composition et interprétation : Xavier Bouchaud
L'histoire
De nos jours à Ecclatambour, un pays ravagé par la guerre. Un vieux sage mourant fait promettre à son petit-fils de gagner l’Europe, pour y raconter l’histoire de leur peuple. Pour fuir le pays en état de siège, Arloc voyage dans les bagages d’un couple de touristes belges. À peine remis de leur stupéfaction, Jeanne et Léon, petits commerçants, se voient contraints de le garder auprès d’eux.
La pièce
Dans sa première pièce, Serge Kribus traite des questions les plus graves et les plus actuelles, l’immigration, l’intégration, le racisme, avec la pudeur de l’humour et la feinte naïveté du conteur. Il nous plonge dans l’univers du conte de fées mais aussi du conte philosophique à la manière légère et profonde du 18e siècle
Serge : Je voulais parler de Maryvonne. De notre rencontre à Triel quand j’y animais des ateliers d’écriture. Je voulais évoquer la manière dont elle m’a demandé si elle pouvait monter ma pièce. Je voulais parler de son désir, de ses questions, de son travail, de son humilité, sa fidélité, son engagement, son courage, sa patience, et il en faut. Je voulais parler de tout ça, mais je ne trouvais pas les mots. Comment dire tout ça sans avoir l’air de celui qui veut passer de la pommade ?
Alors, j’ai résolu le problème. J’ai écrit le texte qui suit et qui ne parle pas d’elle.
Je voulais néanmoins la remercier très chaleureusement elle et tous les acteurs de la troupe.
Les amateurs, comme on les appelle, sont un des deux poumons qui font vivre le théâtre et les auteurs.
Merci Maryvonne.
Ça y est, on est en 1985.
J’ai lu « 1984 » il y a déjà plusieurs années. Je me disais, quand on y sera, est-ce que ça ressemblera au bouquin ? Ça ressemble. Pas tout à fait, mais ça ressemble. Faut que j’y aille. Je bois une dernière gorgée de café et je prends un morceau de pain que je mets dans ma poche. Je dévale les escaliers. Je vais pointer. Ça change d’heure tous les jours. Ils sont chiants. Faut pas que j’arrive en retard. Sur le chemin je me dis les vers du Misanthrope.
– Qu’est-ce donc ? Qu’avez-vous ?
– Laissez-moi, je vous prie.
– Mais encor dites-moi quelle bizarrerie…
Hier, j’ai lu dans le journal que « Le Petit Château » n’est plus le centre de recrutement des nouveaux miliciens. Il est même vaguement question que le service militaire disparaisse. Même s’il disparaît, ça ne va pas se faire avant au moins dix ans. Et moi je serai de la revue. C’est le cas de la dire ! Je ne supporte pas cette idée. Je ne le ferai pas. Je me ferai réformer ou je ferai objecteur de conscience.
En rentrant du pointage, je suis passé au magasin pour dire bonjour à Papa. J’aurais mieux fait de ne pas passer. On s’est engueulé. Justement à cause du service. Il veut que je fasse l’armée. Il dit que c’est important. De quoi il se même ? Je veux pas porter de fusil. Je lui ai dit qu’il comprenait rien. Evidemment il s’est vexé et ça a dégénéré. De toute façon, ça dégénère tout le temps pour n’importe quoi.
Il y a trop de réfugiés qui arrivent de partout. On les a mis au Petit Château. Le bâtiment est insalubre. Il est pourri. Les conditions d’hygiène sont déplorables. Il n’y a pas d’eau chaude. Pas de traducteurs. Les dossiers prennent des mois avant d’être traités. Personne ne dit rien. Tout le monde s’en fout.
Pourquoi on les met là ? Pourquoi on les traite comme des animaux ? Comme s’ils se tiraient de chez eux par plaisir ! Pourquoi on laisse faire ?
Mémé est partie de Pologne en 1918. Je ne sais pratiqueent rien. J’aimerais bien lui poser des questions, mais je n’ose pas.
J’aimerais un jour écrire une pièce sur tout ça. Ou peut-être sur maintenant. Mais je ne connais pas assez de choses. Raconter une histoire imaginaire. Non, une histoire qui se passe ici et maintenant à Bruxelles mais avec un réfugié qui vient d’un pays imaginaire. Comme ça je ne m’emmêlerai pas les pinceaux avec des trucs que de toute façon je ne connais pas. Si je pouvais écrire quelque chose. Si je pouvais essayer de faire rire. Je sais bien que ça ne sert pas à grand chose. Peut-être même que ça ne sert à rien. J’ai plein de choses dans la tête. J’ai une idée. J’ai une idée. Je viens d’avoir une idée. J’ai le nom du personnage. Il s’appelle Arloc.
Je vais rentrer à la maison. Je vais écrire. Surtout pas en parler. A personne. Ça se bouscule. J’ai la première scène. La pièce défile dans ma tête. Ça me fait marrer. Je suis excité. Je vais écrire une pièce.
Serge Kribus, janvier 2006