Les Affaires sont les affaires
Tout ce que j’ai voulu, je l’ai toujours réalisé !
Distribution
Avec :
- Isidore Lechat : Philippe Prévost
- Mme Lechat : Elisabeth Merly
- Germaine Lechat : Lorène Poirot
- Xavier Lechat : Guillaume Granval
- Lucien Garraud : Valentin Langlois
- Le Marquis de Porcellet : Pierre Corveaule et Jean-Pierre Ecobichon
- Phinck : Hubert Pinel
- Gruggh : Laurent Viers
- Le Vicomte de la Fontenelle : Jacques Flamand
- Jules, le jardinier : Patrick Scarabello
- Célestine : Nicole Dubois puis Carine Dufaÿs
Mise en scène : Sylvie Langlois assistée de Carine Dyfaÿs
Création lumière : Michel Ernault et Guillaume Granval
Régie : Carine Dufaÿs
Décors : Jacques Flamand, Patrick Scarabello, Philippe Prévost, Sylvie Langlois
Le corps d’Isidore Lechat de l’affiche est de Gus Bofa avec l’aimable autorisation de Madame Marie-Hélène Grosos. Pour découvrir les œuvres de ce dessinateur illustre, consultez le site http://www.gusbofa.com
Nos sélections
- Fête vos Jeux de Conflans Ste Honorine – 20 septembre 2003
- Festival de Théâtre Amateur de Bonnières-sur-Seine – 14 mars 2004
- Festival de Maisons-Laffitte – 22 mai 2004
- Théâtre en Jeu à Andrésy – 28 janvier 2005
L'histoire
Doté d’un sens aigu et inné des affaires, Isidore Lechat, bourgeois qui se prétend socialiste – on dirait aujourd’hui gauche caviar – n’a qu’une idée en tête, accroître sa fortune personnelle et de préférence en ruinant les nobles. « J’ai 50 ans millions moi, et le Duc, 2 millions… un pouilleux ».
Marié à une femme tout comme lui, issue du peuple, il n’aime et n’admire que son fils Xavier auquel il cède tous les caprices et se désole du comportement de Germaine, sa fille, une intellectuelle plus proche d’Hugo, Verlaine et Musset que du milieu des affaires.
Calculateur imaginatif et sans scrupule, Isidore Lechat manipule les hommes à pleines foules et les millions (ceux des autres) à pleines mains… Son secret en politique comme dans les affaires, faire des promesses sans jamais les tenir…
« Si je suis populaire ? Tu sais comment on m’appelle dans le pays… Lechat-tigre… On voit tout de suite à qui on a à faire ! »
La pièce
Ecrite en pleine période d’industrialisation du début du siècle dernier, cette œuvre de Mirbeau reste d’un modernisme exemplaire. Mais ne vous y trompez pas, il ne s’agit nullement d’un traité d’économie politique mais bien d’une comédie dans laquelle d’ailleurs Mirbeau n’hésite pas à emprunter au Boulevard quelques effets comiques : « Monsieur le Marquis, vous avez un fils ruiné, j’ai une fille extrêmement riche, marions-les ! »
Avant que sa pièce ne devienne le grand succès théâtral du début du siècle dernier dans toute l’Europe, Octave Mirbeau a dû mener une longue bataille pour imposer Les Affaires sont les affaires à la Comédie Française, d’abord, et ensuite à une critique théâtrale paresseuse et engoncée dans ses préjugés.
C’est dans la tradition moliéresque de la grande comédie de caractère et de mœurs qu’Octave Mirbeau écrira cette pièce au centre de laquelle il place un brasseur d’affaires, plus puissant et dangereux que les usuriers ou les financiers de Balzac et d’Alexandre Dumas fils. Il reprend un personnage d’une nouvelle de 1885 Agronomie qui se nommait Théodule Lechat, parvenu cynique, brutal et vulgaire.
Pour ce personnage nouveau d’un monde nouveau, Octave Mirbeau mixte les traits empruntés à trois modèles : Charles Lalou, propriétaire des mines de Bruay et directeur de La France à l’époque où Mirbeau a publié Agronomie ; Eugène Letellier, entrepreneur de travaux publics impliqués dans le scandale de Panama et qui, pour se mettre à l’abri de toute poursuite, a lancé Le Journal, quotidien à grande diffusion auquel Mirbeau a collaboré dix ans ; et un certain Mandel, fournisseur des fonds des Editions Ollendorff, chez qui Mirbeau a publié ses premiers romans.
La première des affaires a lieu le 20 avril 1903. Malgré l’énorme succès de la pièce, les mauvaises critiques ne manquent pas.
Enfin, presque tous les critiques « mâles » se sont élevés contre le personnage de Germaine Lechat, la jugeant profondément immorale et ne voyant en elle qu’une fille insoumise et dévergondée. Non contente de juger son père et de faire capoter une mirobolante affaire, elle a un amant et le crie sur les toits. Aujourd’hui, ces critiques ridicules font sourire, mais à l’époque, Mirbeau a dû lutter contre les préjugés sexistes les plus enracinés pour imposer cette femme émancipée en héroïne de théâtre et proclamer les droits imprescriptibles des femmes sur la scène la plus prestigieuse d’Europe.
Si Les Affaires sont les affaires apparaît comme une exceptionnelle réussite, c’est parce que Mirbeau y a atteint un équilibre parfait entre le retour au classicisme et la peinture de l’époque moderne ; entre la vérité profonde des personnages et leur efficace théâtralité ; entre le comique des apparences et le pathétique de notre misérable condition d’homme ou de la réalité sociale telle que la vivent les pauvres et les exclus ; l’objectivité du dramaturge et l’engagement de l’intellectuel Dreyfusard et libertaire.
D’après les écrits de Pierre Michel, Président de la SOM de 1993 à 2018.